vendredi 24 juin 2016

Top 5 Livres audio Juin 2016

Le fils
Jo Nesbo
Lontano
J.C. Grangé
Une vraie famille
V. Musso
Heloïse, ouille !
J. Teulé
Délivrances
T. Morrison

Tatiana Arfel #3 "La deuxième vie d'Aurélien Moreau"

Aurélien Moreau, 43 ans, marié et père de famille, vit depuis l’enfance dans une sorte de syndrome d’enfermement social, figé comme dans une armure qui le protège des agressions du monde mais qui l’empêche de s’épanouir : en se préservant pour ne pas souffrir, il s’empêche de vivre et ne le sait pas.

La première partie du roman nous raconte Aurélien Moreau, vu à travers le regard de ceux qui le côtoient tous les jours, dans sa famille, dans son travail ou dans la ville, et leurs points de vue nous en disent plus sur eux-mêmes que sur lui. Tous sont interrogés sur un acte scandaleux qu’a commis Aurélien Moreau, sans jamais nous dire la nature de cet acte. Ces brefs témoignages maintiennent le suspens sur l’acte qu’il a bien pu commettre.

Un acte socialement insupportable pour son père Lucien, chirurgien en retraite et  « membre éminent du Rotary », pour son beau-père Alphonse Lambert, directeur de la société Faites Comme Chez Vous, dans laquelle Aurélien est directeur adjoint, pour sa femme Victoire qui le méprise et pour son fils Donatien, jeune étudiant fraîchement sorti de HEC. 
Ensuite, c’est la lecture de son journal qui va nous le montrer renaissant, ou plutôt naissant progressivement, et s’ouvrant à une « vraie vie ».
Dans sa vie professionnelle, il doit engager des licenciements dans l’entreprise où il travaille (alors que ladite entreprise est en bonne santé économique), et de ce fait il reçoit des lettres anonymes. 

Ce sont ces deux éléments, dans sa vie professionnelle, qui vont déclencher cette renaissance, son journal passe par une écriture différente, il va avoir une ouverture d’esprit vers le monde extérieur, il s’enrichit de ce qu’il peut ressentir, de ce qu’il observe, et  arrive à exprimer des émotions passées ou présentes.
L’écriture de la deuxième partie de son journal le rend plus attentif au monde et modifie sa perception de la vie. Son écriture va peu à peu s’affiner jusqu’à devenir presque poétique.

Si l’on compare le début du journal d’Aurélien Moreau (notes sèches et succinctes) avec la fin, on peut mesurer le chemin parcouru par lui.
L’épilogue, très court, devient presque un hymne à la vie : la deuxième vie d’Aurélien Moreau.

Les liens entre le personnage du « Môme » de L’Attente du soir et Aurélien Moreau sont très étroits.
Comment se construire ? Comment aimer la vie quand votre enfance a été brisée ? Comment les contraintes sociales et l’éducation peuvent-elles nous former en nous déformant ? Comment sortir de cette prison pour forger enfin sa propre vie ? 

Tatiana Arfel nous apporte un début de réponse : la création. La peinture pour le Môme, et l’écriture pour Aurélien Moreau, mais aussi des passeurs de liens comme Giacomo dans L’Attente du soir, ou Ginette la patronne du restaurant des routiers qui va montrer à Aurélien ce qu’est l’amitié.

Coquillette

vendredi 17 juin 2016

Tatiana Arfel #2 "Des clous"

Des clous est paru chez José Corti, en 2010.

Roman choral, dans le monde du travail. Ce roman qui décrit une entreprise, Human Tools (HT), qui vend du vent, très cher, très coté en Bourse et très discutable, n’est pas un roman d’anticipation. 

Tatiana Arfel y dénonce la violence de l'entreprise et l'absurdité des méthodes de management actuelles. À travers le parcours de six salariés non-conformes, Tatiana Arfel montre comment l'entreprise, sous prétexte d'efficacité, cherchant à tout contrôler, tout rationaliser, aboutit à la négation pure et simple de l'être humain. L'individu n'est alors plus qu'un robot, qui loue son corps et son âme à l'entreprise en échange d'un salaire.
Le temps est le maître mot de l'entreprise. Chaque seconde gaspillée représente de l'argent perdu, ce que HT et ses actionnaires ne peuvent évidemment tolérer. Parler à la machine à café : inadmissible. Attendre l'ascenseur : insupportable. L'entreprise ne permet plus de temps pour créer des liens entre collègues et encore moins pour penser. Les employés sont des « clous », et ils valent des « clous ».
L’entreprise choisit donc six de ses employés pour les « remotiver » et les « coacher » par un comédien embauché pour ça, lors d’un séminaire. Mais en fait, c’est une opération de grande envergure pour les licencier. Les « clous » vont avoir un sursaut, grâce à quelqu’un venu de l’extérieur, et vont essayer de se redresser et de reprendre leur vie en mains.

L'entreprise HT n'existe pas et pourtant, on reconnaîtra à travers les différents épisodes imaginés par Tatiana Arfel, une multitude d'entreprises bien réelles. Certaines scènes paraissent tellement extrêmes que l'on a du mal à penser que ces pratiques puissent exister réellement. Mais faut-il rappeler qu'à l'automne dernier, certains salariés français avaient appris leur licenciement par SMS ? Comme si la pire des fictions ne pouvait aujourd'hui égaler la réalité. Si Tatiana Arfel avait situé son intrigue dans un futur plus ou moins éloigné,  « Des Clous » aurait été commodément rangé dans le genre de l'anticipation. Mais en ancrant son récit en 2006, un passé proche, l'auteur réaffirme une fois encore l'actualité de son propos.
Pour autant, « Des clous » ne sombre pas dans un pessimisme sordide. Tout en dénonçant des pratiques ignobles, Tatiana Arfel offre la possibilité à ses six non-conformes de relever la tête, de réapprendre à s'aimer et à se respecter. Il y a donc aussi beaucoup d'espoir, de courage et de générosité dans ce récit.

Pour ce deuxième ouvrage, Tatiana Arfel a abandonné l’écriture poétique de « l’Attente du soir ». Elle se sert d’une écriture vive, sèche, tranchante, et qui sied tout à fait au sujet traité : la vie en entreprise…

La semaine prochaine : La deuxième vie d'Aurélien Moreau, de Tatiana Arfel

Coquillette

Top 5 Romans Mai/Juin 2016

Désolée, je suis attendue...
A. Martin-Lugand
Vous n'aurez pas ma haine
A. Leiris
Un fauteuil sur la Seine
A. Maalouf
Zazous
G. De Cortanze
Aliénor
M. Calmel

mercredi 15 juin 2016

Top 5 Beaux-Arts Juin 2016

Livres
L. Mattotti
Bibliothèques insolites
A. Johson
Fra Angelico
T.G. Verdon
La céramique chinoise ancienne
A. Hougron
Barockissimo
Centre national du costume de Moulins

vendredi 3 juin 2016

Tatiana Arfel

 Tatiana Arfel, jeune auteur, est née en 1979 à Paris. Elle vit actuellement à Montpellier. 

Psychologue de formation, diplômée de Lettres modernes, elle anime des ateliers d’écriture, le plus souvent auprès de publics difficiles ou en difficultés. Pendant longtemps elle a animé un atelier d’écriture à la prison de Fresnes (pour les femmes) et actuellement anime des ateliers pour des femmes atteintes de cancer.


A ce jour, elle a publié trois romans, tous aux Editions José Corti : 

Elle vient de finir un ouvrage Les Inconfiants (Edition Le Bec en l’air, 2015) en collaboration avec le photographe Julien Cordier, racontant leur résidence dans un grand hôpital psychiatrique de Lyon, l’Hôpital du Vinatier, installé dans des pavillons du XIXe siècle, lors du déménagement dans de nouveaux bâtiments, et relatant la manière dont les malades vont redouter et vivre cet événement.

Ses trois romans explorent l’inadaptation de chacun à notre monde, soit à travers des marginaux, soit dans le monde de l’entreprise avec des employés non-conformes, soit à travers un mystérieux « normopathe ».



L’attente du soir


C’est donc un premier roman, très inattendu, qui donne la parole à trois mutilés de l’amour : 

Il y a Mademoiselle B., dame grise sans vraiment d’âge, une sorte d’emmurée vive, condamnée à vivre en regardant les autres, une morte vivante que ses parents ne voyaient pas, implacablement niée par une mère silencieuse et haineuse, obsédée par l’hygiène et la javellisation des corps. Elle vit sous cloche, ne désire rien, lutte en se réfugiant derrière la récitation inlassable des tables de multiplication, ou en suivant des trajets imaginaires.

Il y a Giacomo, vieux clown blanc arrivé à la fin de sa vie, dresseur de caniches, aimant la poésie et les mots, devenu directeur de cirque, après la mort tragique de sa mère trapéziste (décédée accidentellement lors d’un numéro, ce qui a fait perdre la tête à son père). C’est un homme resté sans femme, et qui aura passé sa vie à inventer des histoires qui narrent toutes la même chose : celle des hommes « livré à un monde immense, sauvage, joyeux et désordonné où ils sont les derniers à s’y retrouver, loin derrière les caniches », un homme obnubilé par la nécessité de tenir le « Sort » à distance.

Et il y a le Môme, abandonné au milieu d’un terrain vague, enfant sauvage survivant au milieu des herbes, des immondices et des bouts de ferraille. Il marche les mains au sol, aboie, mange et fait ses besoins comme un chien. Il va apprendre la peinture avec les couleurs, avant les mots, pour dire ce qu’il voit du monde. Il découvre la couleur, en s’aidant de ce qu’il trouve dans les poubelles, il peint pour réunir les bouts de sa vie. 

Compartimentés dans des chapitres courts, les trois personnages qui n’ont apparemment aucun lien, vont se côtoyer, se rencontrer, se réunir, d’abord à deux, puis à trois.
Le roman va démêler les liens qui les unissent dans les deux dernières parties de l’ouvrage.
Tatiana Arfel va largement se servir de son travail de psychologue pour regarder au plus profond de ces êtres, pour en faire sortir ce qu’ils ont de plus beau et teinter son roman de mille couleurs et exprimer les nuances de toutes leurs émotions.

Complètement oubliée par les critiques littéraires, Tatiana Arfel mérite une mise en avant, et avec la publication de ses deux autres romans, elle confirme être un auteur hors-normes. Elle est en dehors des modes littéraires, et sait écrire des mots qui nous touchent et nous emmènent dans son sillage.

La semaine prochaine : Des clous, de Tatiana Arfel

Coquillette