vendredi 22 mai 2015

La vie quotidienne des écrivains # 2 restrictions ou décadence

Quelle vie faut-il mener pour bien écrire ?
Sur ce sujet, deux conceptions s'affrontent, conceptions qui peuvent se résumer par deux maximes, la première du poète satirique latin Juvénal "un esprit sain dans un corps sain", la deuxième de F.S. Fitzgerald "mangeons, buvons et amusons-nous car demain nous mourrons".


1 Un esprit sain dans un corps sain

Les écrivains et le sommeil
Un écrivain en forme est un écrivain qui dort bien. Et comme une image vaut mieux qu'un long discours, je vous laisse découvrir un petit graphique qui classe les écrivains selon leurs habitudes de sommeil. (cliquez pour agrandir l'image)

Dans le top 3 des écrivains matinaux, nous trouvons donc Honoré de Balzac (qui se levait à 1h !) Haruki Murakami (4h) et Sylvia Plath (4h également).

Haruki Murakami revient sur son style de vie dans Autoportrait de l'auteur en coureur de fond. Levé aux aurores, il se couche tous les soirs avant vingt-deux heures et ne déroge jamais à la règle. Il en convient lui-même, son style de vie monacal n'aide pas sa vie sociale (ni celle de son épouse...).

Les écrivains et le sport
En plus de bien dormir, un écrivain en forme fait du sport. Football, rugby, natation, arts martiaux, faites votre choix.
John Irving après une session de lutte

John Irving lui, a choisi la lutte, comme il l'explique dans le récit autobiographique La petite amie imaginaire.

Il a même doté Garp, un de ses personnages les plus emblématiques, de la même passion. T.S. Garp, écrivain à succès qui partage beaucoup de points communs avec son créateur, est un lutteur assidu qui soigne ses angoisses existentielles dans les odeurs de pieds et de transpiration du gymnase.
C'est d'ailleurs la pratique quasi quotidienne de ce sport qui a donné à J. Irving la force et l'endurance pour écrire, car un lutteur doit refaire encore et encore les mêmes prises, tout comme un écrivain doit écrire et réécrire ses phrases jusqu'à ce qu'elles soient parfaites.

Beaucoup d'écrivains tiennent le même discours.
Murakami en pleine séance de jogging
Murakami explique : « une grande partie de mes techniques de romancier provient de ce que j’ai appris en courant chaque matin ».
Il voit la course comme une métaphore du travail de l'écrivain. Tous les ingrédients y sont : la solitude, la fatigue et la persévérance.
Mais de manière plus prosaïque, il confesse également que ses débuts d'écrivain ont marqué le début de son embonpoint et qu'il a commencé à courir pour se maintenir en forme et limiter sa consommation de tabac.
Après tout, l'écrivain est un homme comme les autres.

Les écrivains et la vie au grand air
Pour les moins sportifs, la vie au grand air peut heureusement suffire. Vous découvrirez toutes leurs habitudes de jardinage en parcourant le livre Jardins d'écrivains. Vous apprendrez, entre autres que Pétrarque s’escrimait sur un petit jardin caillouteux dans le Vaucluse, que Montesquieu s’enorgueillissait d'un jardin à l'anglaise où "la nature se trouve dans sa robe de chambre et au lever de son lit" et que Rudyard Kipling choyait son jardin de plantes médicinales et plus particulièrement l'helichrysum italicum, plante dont le parfum de curry lui rappelait ses années passées en Inde.

Mais tous les écrivains ne sont pas aussi disciplinés...passons donc du côté de ceux qui préfèrent les nuits arrosées aux joies simples du potager.

2 Eat, drink and be merry

Les écrivains et les soirées
Zelda Fitzgerald 
Un des noms qui vient tout de suite à l'esprit est celui de F.S. Fitzgerald.
Accompagné de se petite femme Zelda, qui n'était pas la dernière quand il s'agissait de boire jusqu'à plus soif, Fitzgerald organisait de folles réceptions, exactement comme son personnage Gatsby. Dans le petit livre d'Alberto Manguel, que j'ai déjà cité dans ma précédente chronique, on apprend que suite à une soirée particulièrement arrosée, les Fitzgerald, une fois dégrisés, établirent les règles suivantes :
« Nos hôtes sont priés de ne pas briser les portes en cherchant de l’alcool, même s’ils y ont été autorisés par le maître et la maîtresse de maison ».
« Nous informons respectueusement ceux de nos hôtes qui sont invités pour le week-end que les invitations à rester jusqu’au lundi lancées par le maître ou la maîtresse de maison aux petites lueurs du dimanche matin ne doivent pas être prises au sérieux ».

les écrivains et les abus de substances en tous genres
Les Fitzgerald n'étaient bien entendu pas les seuls à entretenir une relation privilégiée avec la dive bouteille. Ernest Hemingway affirmait par exemple qu'il fallait écrire en étant soûl, mais réécrire à jeun.
Dashiell Hammett (auteur américain de polars à la vie rocambolesque qui a exercé le métier hautement romanesque de détective privé) explique quant à lui :
"A trois reprises on m'a pris par erreur pour un agent de la Prohibition ; mais je n'ai jamais eu aucun mal à me disculper"
On pourrait multiplier les exemples : Bukowski, Faulkner, Blondin...Il semblerait pourtant que la tendance actuelle soit à la baisse, c'est du moins la théorie défendue danscet article du Nouvel Observateur.

Oeuvre de Michaux, réalisée
sous l'influence de la mescaline 
Mais certains écrivains se sont tournés vers d'autres stimulants. Henri Michaux par exemple, était friand de cannabis et de mescaline, qu'il consommait avec beaucoup de rigueur pour développer sa créativité. Quatre livres seront donc écrits sous influence : Misérable miracle, L’Infini turbulent, Connaissance par les gouffres et Les grandes épreuves de l’esprit.

Autres exemples : le poète anglais W.H. Auden, gobait chaque matin des amphétamines comme s'il s'agissait de vitamine C et Graham Greene a réussi l'exploit d'écrire en à peine six mois deux romans (La puissance et la gloireL'agent Secret, près de 300 pages chacun tout de même !) grâce à ce petit adjuvant.

Pour découvrir d'autres écrivains accros, je vous laisse le soin de lire ce petit article (en anglais) publié par le magazine Slate.

Enfin, cette chronique ne serait pas complète si je ne citais pas une autre substance hautement addictive mais moins dangereuse, la caféine, sans laquelle bien des écrivains (et vous aussi peut-être ?) ne pourraient pas travailler. Le magazine Slate lui a également consacré un article (en anglais, toujours)




La semaine prochaine : les écrivains et leur entourage.


Cécile