vendredi 17 juin 2016

Tatiana Arfel #2 "Des clous"

Des clous est paru chez José Corti, en 2010.

Roman choral, dans le monde du travail. Ce roman qui décrit une entreprise, Human Tools (HT), qui vend du vent, très cher, très coté en Bourse et très discutable, n’est pas un roman d’anticipation. 

Tatiana Arfel y dénonce la violence de l'entreprise et l'absurdité des méthodes de management actuelles. À travers le parcours de six salariés non-conformes, Tatiana Arfel montre comment l'entreprise, sous prétexte d'efficacité, cherchant à tout contrôler, tout rationaliser, aboutit à la négation pure et simple de l'être humain. L'individu n'est alors plus qu'un robot, qui loue son corps et son âme à l'entreprise en échange d'un salaire.
Le temps est le maître mot de l'entreprise. Chaque seconde gaspillée représente de l'argent perdu, ce que HT et ses actionnaires ne peuvent évidemment tolérer. Parler à la machine à café : inadmissible. Attendre l'ascenseur : insupportable. L'entreprise ne permet plus de temps pour créer des liens entre collègues et encore moins pour penser. Les employés sont des « clous », et ils valent des « clous ».
L’entreprise choisit donc six de ses employés pour les « remotiver » et les « coacher » par un comédien embauché pour ça, lors d’un séminaire. Mais en fait, c’est une opération de grande envergure pour les licencier. Les « clous » vont avoir un sursaut, grâce à quelqu’un venu de l’extérieur, et vont essayer de se redresser et de reprendre leur vie en mains.

L'entreprise HT n'existe pas et pourtant, on reconnaîtra à travers les différents épisodes imaginés par Tatiana Arfel, une multitude d'entreprises bien réelles. Certaines scènes paraissent tellement extrêmes que l'on a du mal à penser que ces pratiques puissent exister réellement. Mais faut-il rappeler qu'à l'automne dernier, certains salariés français avaient appris leur licenciement par SMS ? Comme si la pire des fictions ne pouvait aujourd'hui égaler la réalité. Si Tatiana Arfel avait situé son intrigue dans un futur plus ou moins éloigné,  « Des Clous » aurait été commodément rangé dans le genre de l'anticipation. Mais en ancrant son récit en 2006, un passé proche, l'auteur réaffirme une fois encore l'actualité de son propos.
Pour autant, « Des clous » ne sombre pas dans un pessimisme sordide. Tout en dénonçant des pratiques ignobles, Tatiana Arfel offre la possibilité à ses six non-conformes de relever la tête, de réapprendre à s'aimer et à se respecter. Il y a donc aussi beaucoup d'espoir, de courage et de générosité dans ce récit.

Pour ce deuxième ouvrage, Tatiana Arfel a abandonné l’écriture poétique de « l’Attente du soir ». Elle se sert d’une écriture vive, sèche, tranchante, et qui sied tout à fait au sujet traité : la vie en entreprise…

La semaine prochaine : La deuxième vie d'Aurélien Moreau, de Tatiana Arfel

Coquillette