vendredi 3 juin 2016

Tatiana Arfel

 Tatiana Arfel, jeune auteur, est née en 1979 à Paris. Elle vit actuellement à Montpellier. 

Psychologue de formation, diplômée de Lettres modernes, elle anime des ateliers d’écriture, le plus souvent auprès de publics difficiles ou en difficultés. Pendant longtemps elle a animé un atelier d’écriture à la prison de Fresnes (pour les femmes) et actuellement anime des ateliers pour des femmes atteintes de cancer.


A ce jour, elle a publié trois romans, tous aux Editions José Corti : 

Elle vient de finir un ouvrage Les Inconfiants (Edition Le Bec en l’air, 2015) en collaboration avec le photographe Julien Cordier, racontant leur résidence dans un grand hôpital psychiatrique de Lyon, l’Hôpital du Vinatier, installé dans des pavillons du XIXe siècle, lors du déménagement dans de nouveaux bâtiments, et relatant la manière dont les malades vont redouter et vivre cet événement.

Ses trois romans explorent l’inadaptation de chacun à notre monde, soit à travers des marginaux, soit dans le monde de l’entreprise avec des employés non-conformes, soit à travers un mystérieux « normopathe ».



L’attente du soir


C’est donc un premier roman, très inattendu, qui donne la parole à trois mutilés de l’amour : 

Il y a Mademoiselle B., dame grise sans vraiment d’âge, une sorte d’emmurée vive, condamnée à vivre en regardant les autres, une morte vivante que ses parents ne voyaient pas, implacablement niée par une mère silencieuse et haineuse, obsédée par l’hygiène et la javellisation des corps. Elle vit sous cloche, ne désire rien, lutte en se réfugiant derrière la récitation inlassable des tables de multiplication, ou en suivant des trajets imaginaires.

Il y a Giacomo, vieux clown blanc arrivé à la fin de sa vie, dresseur de caniches, aimant la poésie et les mots, devenu directeur de cirque, après la mort tragique de sa mère trapéziste (décédée accidentellement lors d’un numéro, ce qui a fait perdre la tête à son père). C’est un homme resté sans femme, et qui aura passé sa vie à inventer des histoires qui narrent toutes la même chose : celle des hommes « livré à un monde immense, sauvage, joyeux et désordonné où ils sont les derniers à s’y retrouver, loin derrière les caniches », un homme obnubilé par la nécessité de tenir le « Sort » à distance.

Et il y a le Môme, abandonné au milieu d’un terrain vague, enfant sauvage survivant au milieu des herbes, des immondices et des bouts de ferraille. Il marche les mains au sol, aboie, mange et fait ses besoins comme un chien. Il va apprendre la peinture avec les couleurs, avant les mots, pour dire ce qu’il voit du monde. Il découvre la couleur, en s’aidant de ce qu’il trouve dans les poubelles, il peint pour réunir les bouts de sa vie. 

Compartimentés dans des chapitres courts, les trois personnages qui n’ont apparemment aucun lien, vont se côtoyer, se rencontrer, se réunir, d’abord à deux, puis à trois.
Le roman va démêler les liens qui les unissent dans les deux dernières parties de l’ouvrage.
Tatiana Arfel va largement se servir de son travail de psychologue pour regarder au plus profond de ces êtres, pour en faire sortir ce qu’ils ont de plus beau et teinter son roman de mille couleurs et exprimer les nuances de toutes leurs émotions.

Complètement oubliée par les critiques littéraires, Tatiana Arfel mérite une mise en avant, et avec la publication de ses deux autres romans, elle confirme être un auteur hors-normes. Elle est en dehors des modes littéraires, et sait écrire des mots qui nous touchent et nous emmènent dans son sillage.

La semaine prochaine : Des clous, de Tatiana Arfel

Coquillette