vendredi 16 septembre 2016

Fairyland de Alysa Abbott

C'est la fin des années 60, les étudiants clament : "Soyez réalistes, demandez l'impossible ! ". 
Barbara Blinder, jeune féministe et Steve Abbott, objecteur de conscience homosexuel, sont amoureux et se marient sans se promettre fidélité. Mais cette union prend vite l'eau, malgré la naissance de leur fille Alysia en 1970. Et bientôt, Barbara meurt laissant un père et sa fille complètement désemparés.
Steve décide alors d'élever seul sa fille mais également de vivre pleinement son homosexualité. Direction San Francisco, quartier de Haight-Ashbury, le centre névralgique de la culture hippie. Commence alors pour eux une vie de bohème sans-le-sou : "San Francisco était notre monde, notre royaume enchanté, notre Fairyland."

Alysia vit une enfance atypique, intensément et maladroitement aimé par son père. Steve la traite comme une adulte et lui présente ses compagnons. Il lui impose de nombreux déménagements dans des appartements minuscules où elle se retrouve souvent seule. Parfois il l'emmène avec lui aux lectures données à la librairie "City Lights". Ensemble, ils côtoient William Burroughs ou Richard Brautigan. 
Car l'écriture est vitale pour Steve. Il devient bientôt une figure de la scène littéraire et militante homosexuelle. L'écriture est également un moyen de communiquer avec sa fille qu'il a bien des difficultés à comprendre au fur et à mesure qu'elle grandit et devient plus intolérante envers lui. 

Fairyland n'est pas une fiction, mais le témoignage poignant et militant d'une femme qui revient sur son enfance. A travers une histoire personnelle, on voit défiler les années 70 à San Francisco à une époque où des hommes et des femmes se battent pour avoir le droit de vivre comme ils l'entendent sans discrimination. On retrouve, d'ailleurs, dans ce livre, toute l'histoire de la communauté homosexuelle racontée dans le film Harvey Milk, premier gay à avoir été élu conseiller municipal en 1977. Et c'est passionnant !




Mais bientôt ce sont les années 80 qui voient la ville basculer dans la tragédie quand arrive l'épidémie
du sida, dont Steve et beaucoup d'autres seront les victimes. C'est d'ailleurs à la mort de son père, qu'Alysia va retrouver ses journaux intimes, une dizaine de cahiers qui lui serviront de base pour écrire ce livre. "Et puis j’ai lu le journal intime de mon père. Et une tout autre histoire a émergé. "

Et cette histoire est une magnifique et bouleversante déclaration d'amour d'une fille à son père qui a assumé sa paternité comme il pouvait."S’il a échoué parfois en tant que parent, son échec était noble. (…) Il fut un pionnier." Alysia nous fait entrer dans leur intimité avec une extrême pudeur qui fait qu'on les accompagne sans jamais se sentir voyeur. 

Pas étonnant que Sofia Coppola ait pour projet de l'adapter au cinéma !


Pour aller plus loin :



Martine