vendredi 3 juillet 2015

Les grandes (et petites) amoureuses de la littérature # 3 Au théâtre, la révélation de l'acte d'aimer au féminin




Il existe de nombreuses « amoureuses de théâtre ». Au théâtre l’amante peut tenir le devant de la scène ou n’être qu’un second rôle. Dans le registre de la comédie, elle est l’ingénue, la volage, peut-être l’objet de convoitise d’hommes cupides ou parfois réellement amoureux. Elle peut aussi aimer et l’exprimer sans détour. Molière a rendu inoubliable des femmes amoureuses. Ainsi Agnès dans L’Ecole des femmes de Molière.




La tragédie met en scène le désespoir amoureux  et décrit des amoureuses meurtries. Elle autorise les cris, les pleurs et dévoile des âmes ravagées ou montre la vengeance dévastatrice.
Parmi ces amantes ardentes et idéalisées, Juliette dans Roméo et Juliette de William Shakespeare. La mort des deux amants est nécessaire à la réconciliation de leurs familles ennemies.

Au 17ème siècle, les femmes amoureuses dans la tragédie se nomment Phèdre, Médée, Andromaque ou Camille. Elles étaient déjà décrites dans les récits mythiques. Bien des siècles plus tard, elles se manifestent à nouveau et pleinement, en occupant le devant de la scène, même  si elles savent que  le combat est perdu d’avance.
Corneille créé une Médée  rugissante devenue meurtrière par vengeance, tuant ses propres enfants !

 Médée et Jason, Carle Van Loo, 1759
Camille, dans la pièce Horace, ne voit dans le triomphe de son frère que la perte de son amour. Elle tombe dans une affreuse douleur, éclate en cris d’indignation contre son frère Horace et même la toute puissante Rome !

"Rome, l’unique objet de mon ressentiment !
Rome, à qui vient ton bras d’immoler mon Amant !
Rome, qui t’a vu naître et que ton  cœur adore !
Rome, enfin que je hais parce qu’elle t’honore !
(…)
Puissé-je de mes yeux y voir tomber ce foudre,
Voir ses maisons en cendre, et tes lauriers en poudre :
Voir le dernier Romain à son dernier soupir,
Moi seule en être la cause, et mourir de plaisir."

[Acte IV, scène V]


Pierre Corneille imprécations de Camille

Racine reprend, lui, le personnage de Phèdre (à la suite d’Euripide et de Sénèque) amoureuse de son beau-fils Hyppolite, qui refuse son amour.


« Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ;
Un  trouble s'éleva dans mon âme éperdue;
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ;
Je sentis tout mon corps et transir et brûler :
Je reconnus Vénus et ses feux redoutables :
D'un sang qu'elle poursuit tourments inévitables !
Par des vœux assidus je crus les détourner :
Je lui bâtis un temple et pris soin de l'orner ;
(…)
J'adorais Hippolyte : et, le voyant sans cesse,
Même au pied des autels que je faisais fumer,
J'offrais tout à ce dieu que je n'osais nommer.
Je l'évitais partout. O comble de misère !
Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son père."

 [Acte I scène III]


Des tirades universellement reprises... Dés le lycée…


La prochaine chronique :  « l’Unique et ses sœurs » : L'amoureuse doit-elle forcement être malheureuse ?

Isabelle