vendredi 10 juillet 2015

Les grandes (et petites) amoureuses de la littérature # 4 "L'unique et ses sœurs", les amoureuses universelles

La passion amoureuse, avec ses différentes étapes et ses différents degrés d’intensité (de la faiblesse amoureuse à la violente passion) est un thème courant dans la fiction romanesque.
Mais seulement quelques très rares amoureuses arrivent à nous faire tout oublier (l’intrigue, l’homme objet de passion, les autres protagonistes, le contexte historique et social…) et à devenir universelles.

Des femmes aimantes, exceptionnelles, uniques et qui fascinent éternellement...Madame de Lafayette crée Mademoiselle de Chartres évoluant au milieu d’intrigues de cour du 16ème siècle. Elle est belle, intelligente, instruite et déjà « objet » d’un mariage arrangé (avec le prince de Clèves). Pour son époux qui l’aime (ce qui est très rare à cette époque de mariages arrangés) elle ne ressent que de l’amitié. Elle découvre les tourments de l’amour avec le duc de Nemours et apprend à les dissimuler. A la mort du prince, enfin libre, elle se refuse au duc, par clairvoyance (« je ne ferai plus votre bonheur »). Elle ne veut rien subir, elle ne veut pas de dénouement tragique à sa merveilleuse histoire. Pour Madame de Lafayette, l’amour ne peut être qu’unique et permanent. L’amour est sacralisé.

Alexandre Dumas fils met en scène l’abnégation amoureuse. Marguerite Gautier, La dame aux camélias est éprise d’Armand Duval. Mais pour le préserver du déshonneur, dû à une mésalliance, elle rompt avec lui et préfère s’enfuir. L’agonie de Marguerite est solitaire et très longue. La passion amoureuse aboutit au sacrifice ultime, mais volontaire.
Giuseppe Verdi s’inspire de ce personnage devenu mythique et fait mourir directement sur scène Marguerite devenue Violetta.

«  Je veux te révéler toute ma vie, cette vie qui véritablement n’a commencé que le jour où je t’ai connu », ainsi débute une ultime une confession, « une confidence crépusculaire ». En utilisant la nouvelle épistolaire, dans Lettre d’une inconnue  Stefan Zweig dévoile l’étrange processus de la passion amoureuse gardée secrète à jamais, par peur de la dévoyer.

Emma Bovary, créature pathétique, a un destin déplorable. Gustave Flaubert fait découvrir à Emma la passion amoureuse par la lecture et les fantasmes. Elle cherche un bonheur inaccessible et finit par se trouver un bien pâle amant. Abandonnée par lui, elle recherche toujours le bonheur ultime et replonge dans une deuxième aventure sans issue : « elle n’était pas heureuse, ne l’avait jamais été ».Son suicide est son dernier échec. Il n’est pas question de renoncement volontaire, mais d’une longue déchéance.




Anna Karénine vit une passion coupable. Léon Tolstoï décrit le coup de foudre violent, la liaison fougueuse, ignorante des convenances. La jeune femme par amour du comte Vronski, abandonne mari et enfants. Mais elle ne peut assumer jusqu’au bout cet amour interdit. Amoureuse, jalouse, déchirée, Anna est magnifique, toujours frémissante, palpitante. Le processus de l’amour incontrôlable est lentement décortiqué jusqu’à sa fin ultime dans la mort.




La fulgurante Scarlett O’Hara vit un amour romantique soumis à une multitude d’épreuves. Margaret Mitchell crée une jeune femme à la beauté insouciante qui affole tous les hommes, mais qui n'en aime qu’un seul ou du moins le croit-elle. La passion amoureuse est le fil conducteur de cette immense fresque. La guerre civile, la faim, la mort, le chagrin ne détruisent pas l’amour inaccessible. Ce n’est qu’à la fin du roman que la jeune femme découvre que cet amour pour lequel elle s’est tant battue, n’est qu’une chimère et que son véritable amour est l’homme qu’elle a tant détesté. Le sentiment amoureux peut être éternel, mais avec Autant en emporte le vent, nous découvrons qu’il peut être aussi un leurre.


Une française de 15 ans et un chinois de 12 ans son aîné. Marguerite Duras, avec L’Amant crée une nouvelle amoureuse, volontairement opposée aux conventions, refusant le dictat de la classe sociale, mais surtout celui lié à la race. Elle vit une histoire d’amour interraciale, indestructible, même si l’histoire d’amour s’interrompt par un retour en France. Bien des années plus tard, le souvenir de cette passion est toujours aussi vif chez les deux amants. Car leur amour est tout autant sentimental que physique. De la découverte de l’acte physique aux joies de la chair partagées, l’amour ne se dissimule plus.

L'amant, de J.J. Annaud, 1992

La semaine prochaine : Au 20ème siècle, La femme se libère, l’amoureuse aussi.

Isabelle