vendredi 13 mars 2015

Esprit es-tu là ? # 4 Es-tu vraiment là ?

Au début d'une histoire de fantôme, le héros classique a tendance à faire preuve d'une certaine circonspection. Il cherche désespérément une explication rationnelle aux évènements déroutants qui se produisent juste sous ses yeux.
Et parfois il a raison : derrière tous ces phénomènes, il y a une explication logique. Tous les ingrédients d'une bonne histoire de fantômes sont pourtant en place : le manoir sombre et isolé, la lande battue par les vents, les portes qui grincent mais, au moment de soulever le drap... pas de fantômes, plutôt des squelettes dans les placards.
  



Explorons cette notion à travers deux exemples tirés de la littérature classique. Attention, la chronique qui suit dévoile quelques éléments clés des intrigues.


Commençons par Poe, un maître de l'horreur, dont les récits préfigurent le genre du fantastique.
Le héros du conte La Chute de la Maison Usher est invité à séjourner dans ladite maison par un vieil ami,Roderick Usher, accablé d'une étrange maladie. L'atmosphère, lugubre au possible, n'est pas allégée par la présence de la sœur jumelle de Roderick, également souffrante.
Elle ne tarde d'ailleurs pas à mourir et Roderick décide de conserver sa dépouille pendant deux semaines dans un caveau de la maison avant de procéder à l'enterrement définitif.
Mais quelques jours plus tard, d'étranges bruits se font entendre. S'agit-il du fantôme de la défunte sœur ? Pas si sûr...


La situation de Jane Eyre, l'héroïne du roman éponyme de Charlotte Brontë est un peu similaire. Recrutée comme gouvernante pour le compte d'un homme fort peu aimable, elle en tarde pas à entendre des cris étouffés et des ricanements la nuit. Une fois encore, il n'est pas certain qu'un fantôme soit responsable de tous ces dérangements.

Dans ces deux histoires, les fantômes ne sont en effet que des représentations, des métaphores des secrets de famille enfouis qui refont inévitablement surface.

D'ailleurs la psychologie s'est elle aussi emparée de cette image du fantôme, notamment depuis l'invention dans les années 1970 de la psychogénéalogie par Anne Ancelin Schützenberger. Selon ces théories, les événements et traumatismes vécus par nos ancêtres peuvent nous affecter sans que l'on en ait conscience. Nous sommes habités par nos ancêtres et nous avons parfois tendance à payer leurs dettes, à refaire les mêmes erreurs qu'eux. De là à dire qu'ils nous hantent, il n'y a qu'un pas.

Rien d’étonnant donc à ce que vous trouviez ces titres au rayon psychologie de la médiathèque :


Le murmure des fantômes, de Boris Cyrulnik

Et voici une dernière anecdote, en guise de conclusion. En langage bibliothéconomique (c'est à dire en jargon de bibliothécaire) un fantôme - peu, voir plus utilisé de nos jours- est une petite fiche qui mentionne le nom de l'emprunteur et que l'on place à la place du volume sorti.

Quand je vous disais que vous croiseriez des fantômes entre nos murs...

Cécile